Alda est née en octobre 2020 avec la volonté de faire bouger les choses, comme l’indique son nom qui signifie “changer” en langue basque. Aller à contre-courant d’une certaine évolution de la société qui fait de nous des personnes de plus en plus isolées, et donc vulnérables : c’est ce que nous avons fait en nous organisant. Et les grandes avancées de l’année 2021 d’Alda ont montré que ce pari valait le coup.

La solidarité dans les faits 

Trop souvent, banques, assurances, propriétaires et bien d’autres profitent des personnes isolées, vulnérables ou méconnaissant leurs droits. Or, en s’organisant collectivement :

>> on trouve des solutions que seul on n’imagine même pas

>> on est tout de suite plus écoutés, voire craints et donc respectés, par les divers profiteurs du système actuel

>> et la solidarité, l’organisation collective, donnent plus de sens à nos existences, qui ont besoin de chaleur humaine et de convivialité.

Cette année, des dizaines et des dizaines de personnes ont franchi la porte de la permanence d’Alda, place des Gascons, pour faire part des injustices qu’elles subissaient.

Cécile : Alda a ainsi permis à cette locataire de faire annuler une demande de saisie sur ses revenus pour des retards et impayés de loyers d’il y a 10 ans, émanant d’un riche propriétaire, avide et peu scrupuleux.

Medhi : nous avons fait changer le contrat d’assurance de ce travailleur gagnant 1290 euros et peu à l’aise avec tout ce qui est paperasse. Il s’était fait avoir par son assureur, payait 159 euros par mois pour assurer sa Peugeot 206 ayant 10 ans, et ne pouvait pas résilier son assurance avant un an ! Nous lui avons fait immédiatement économiser 70 euros par mois, en utilisant un article précis du Code des assurances qu’il ne connaissait bien évidemment pas (pas plus que nous d’ailleurs) mais nous avons demandé aux membres du réseau et nous avons trouvé en suivant cette parade. Preuve que l’intelligence collective, ça marche !

Christelle : Alda a été appelé à la rescousse par cette locataire menacée d’une procédure d’expulsion, car son propriétaire avait mis en vente son appartement. Les 6 mois de délais légaux dont elle disposait pour trouver un autre logement ne lui avaient pas permis de le faire. Il faut dire que 2 confinements, un couvre-feu, la rareté et cherté des appartements disponibles ne lui ont pas facilité la tâche ! Propriétaire et agence immobilière ne voulaient donner aucun délai supplémentaire à cette dame et allaient ouvrir une procédure d’expulsion à son encontre. Dès qu’Alda a annoncé au propriétaire et à l’agence immobilière son intention d’appeler à des rassemblements publics devant chez eux pour dénoncer cette situation, le problème a été résolu. Nous avons négocié la suspension de la procédure d’expulsion le temps que la dame trouve un logement, ce qui est chose faite dorénavant.

Charlène et Willy : malgré toute leur vie passée ici, ces deux jeunes gens nés au Cameroun de parents français, n’ont jamais eu de papiers reconnaissant leur identité française. Une absurdité administrative les condamnant à vivre comme des apatrides dans leur propre pays : ils n’ont pas le droit de vote, ni celui de se marier ou de se pacser. Ils ne peuvent pas passer le permis de conduire, ni avoir de carte vitale ou de chéquier, recevoir un colis à la poste ou un recommandé chez eux, pas plus que de souscrire à un opérateur de téléphonie mobile. Et ils ne peuvent pas voyager, par avion, train ou bateau ni franchir de frontière, et donc sortir de France ! Si l’affaire n’est pas encore réglée, la mobilisation d’Alda a déjà permis de faire bouger les choses au niveau de l’administration judiciaire et consulaire, et on ne lâchera rien avant de mettre fin à cette aberration: prochaine étape, que l’on espère être la dernière, le 10 janvier au Tribunal de Bordeaux.

Pauline est née et habite à Bayonne. Comme tant d’autres, elle reçoit en octobre 2021 un « congé pour vente » du studio qu’elle loue rue Bourgneuf. Elle doit le quitter le 13 mars 2022. Malgré des recherches très actives, elle voit bien qu’elle ne trouvera pas à se reloger du fait de ses petits revenus. Les prix et conditions exigées se sont beaucoup durcis en 2 ans à peine. Pauline commence alors à sérieusement s’inquiéter et contacte Alda.
L’association examine en détail son bail et son congé pour vente. Ce dernier est daté du 15 septembre, le tampon d’envoi du 29, et il n’a été reçu qu’en octobre. Dans tous les cas, le propriétaire l’a envoyé trop tard à Pauline, ne respectant pas les 6 mois de préavis obligatoire, ce qui a pour effet de reconduire son bail par tacite reconduction. Pauline est tranquille chez elle pour 3 ans de plus au moins !

Faire du logement un sujet qu’on ne peut pas ignorer 

Que ce soit par l’enquête ou par la fréquence des problèmes subis par les gens frappant à notre porte, Alda a identifié le logement comme le problème numéro 1 des secteurs les plus populaires. Dans une zone à forte attractivité touristique comme la côte et le rétro-littoral basques, il devient de plus en plus difficile pour les moins riches de trouver à se loger, et les conditions de logement leur sont de plus en plus défavorables. Les prix explosent, les garanties demandées deviennent de plus en plus inaccessibles, il y a une pénurie absolue de logements sociaux (le foncier et le bâti devenant hors de prix, il devient de plus en plus difficile de rentabiliser du logement social, dans un contexte où l’État assèche ses ressources), le parc locatif privé se fait vampiriser par les investisseurs et propriétaires privés comprenant qu’on se fait sur la côte basque 3 à 4 fois plus d’argent en proposant les appartements sur Airbnb qu’en les louant à l’année. Bref, « la misère est plus belle au soleil », mais elle n’a plus les moyens d’y rester, délogée par les investisseurs avides et les personnes les plus riches, pouvant acheter une ou plusieurs résidences secondaires, les payer cash et en surenchérissant le prix proposé, faisant passer le droit d’avoir deux logements avant celui d’en avoir un.

Alda a vite compris que l’association ne pouvait pas se contenter de répondre aux conséquences du problème mais qu’elle devait s’attaquer aux causes. Nous avons fait un diagnostic global du problème et défini 5 urgences et types de propositions face à la crise du logement au Pays Basque. Ces propositions, nous les avons ensuite portées auprès des acteurs concernés, et ce jusqu’au cabinet de la ministre du logement Emmanuelle Wargon, auprès de qui un représentant d’Alda s’est réuni en compagnie d’autres associations en décembre 2021.

En parallèle, Alda a travaillé activement aux côtés de trente organisations diverses à l’organisation d’une manifestation inédite pour le droit au logement qui a réuni à Bayonne le 20 novembre plus de 8 000 personnes. De cette initiative est née la volonté de poursuivre le travail collectif initié, afin de renforcer notre capacité à faire pression sur les décideurs et à obtenir de véritables avancées concrètes.

Prouver que des citoyens peuvent s’opposer à une multinationale 

En travaillant sur le diagnostic logement, Alda a identifié un premier objectif jugé stratégique et prioritaire : le problème posé par les meublés touristiques loués sur des plateformes type Airbnb. Au minimum, 6 à 7000 logements entiers (probablement aux alentours de 9 ou 10 000) ont ainsi été transformés en locations saisonnières disponibles à l’année sur diverses plateformes internet, à comparer aux 41 670 logements que comptait le parc locatif privé basque en 2017.  En juin, Alda a lancé sa campagne en occupant un appartement Airbnb du Petit Bayonne, loué encore quelques mois avant à un couple de travailleurs modestes, et en a fait son QG de campagne. Les actions se sont multipliées : chaîne de tentes quechua entre le siège de la plateforme Poplidays et la Communauté d’agglomération Pays Basque, occupation de deux Airbnb illégaux à Biarritz, mise en location sur Airbnb de la Mairie d’Anglet pour dénoncer l’absurdité du système d’enregistrement angloys et le manque de contrôle de la part d’Airbnb. Ces actions permettant d’attirer l’attention médiatique pour rendre le problème visible, couplées à un travail de dossier et de plaidoyer ont rapidement fait bouger les lignes.

Airbnb, qui jusqu’alors ne respectait pas la loi de 2017 sur les numéros d’enregistrement, a annoncé qu’elle se mettrait en règle avec la loi pour les villes de Bayonne et Anglet. C’est chose faite à partir du 7 décembre 2021, et cela s’est accompagné de la suppression d’un certain nombre d’annonces : -23 % pour Anglet, et – 30 % pour Bayonne.

La ville de Biarritz, quant à elle, a lancé un ultimatum à Airbnb pour que celle-ci se conforme à la loi également dans sa ville, en échange d’une automatisation de la délivrance de numéros d’enregistrement. L’échéance de cet ultimatum arrivera en janvier 2022

Jusque là, Airbnb pouvait s’arroger le privilège de décider si oui ou non la plateforme respecterait la loi, argumentant que le système d’enregistrement de certaines communes n’étant pas conforme, elle pouvait s’en dispenser. Comme si, en prétextant que le système de radar est défectueux, on pouvait décider de rouler à 200 km/h sur l’autoroute…En quelques actions, en s’organisant collectivement, les membres d’Alda sont donc parvenus à contraindre une multinationale à respecter la règle commune.

Mais l’objectif n’est pas de se contenter d’une mise aux normes d’Airbnb : c’est au système de vampirisation du parc immobilier par ce type de plateformes et à l’hémorragie qu’elles provoquent en accaparant des biens au détriment des habitants à l’année, qu’il faut s’attaquer. C’est pourquoi Alda a dès le début de la campagne poussé pour l’adoption par les élus de la Communauté d’agglomération Pays Basque d’une mesure de compensation ambitieuse, qui consisterait à mettre sur le marché un logement loué à l’année pour tout meublé touristique permanent de type Airbnb. Une telle mesure protégerait le parc locatif à l’année et permettrait de récupérer des milliers de logements pour la population locale.

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Malgré la crise sanitaire, deux confinements, un couvre-feu, la première année d’Alda a été marquée par de nombreuses avancées. Celles-ci ont été permises par l’arrivée de bénévoles qui ont donné leur temps pour organiser les événements, s’impliquer dans les actions, accompagner les personnes victimes d’injustices, participer à l’enquête, concevoir et réfléchir les campagnes, distribuer le journal… Ce dernier, dont les 3 premiers numéros ont été distribués à 20 000 exemplaires, a donné la parole aux habitants des quartiers et servi de caisse de résonance à leurs besoins, problèmes et espoirs. La permanence d’Alda, ouverte place des Gascons, a permis de commencer à recevoir les personnes sollicitant l’aide d’Alda, mais également à se réunir et en faire un lieu d’échange et de convivialité.

On voit avec cette première année de travail qu’on peut faire changer les choses, à condition d’être organisés et d’avoir les bonnes stratégies, les bonnes méthodes de travail.

Nous pouvons donner tort à la résignation et au fatalisme ambiants.

Nous pouvons améliorer nettement les conditions de vie des secteurs les moins favorisés de la population, nous pouvons reprendre du pouvoir d’agir, de peser et de se faire entendre et respecter.

Alors, ne reste pas seul. Toi aussi, adhère à Alda.