Si Bayonne est « la première ville chocolatière de France », c’est grâce à la « nation portugaise », ces Juifs expulsés d’Espagne puis du Portugal qui se sont installés à Saint-Esprit au XVIème siècle en apportant avec eux la recette du célèbre breuvage.
Quatre siècles et plusieurs vagues d’émigration plus tard, la communauté portugaise continue de marquer l’identité de Bayonne grâce notamment à plusieurs associations sportives et culturelles. Parmi celles-ci, l’Association pour la Divulgation de la Culture Portugaise (ADCP), dont le local est situé rue Latxague, près de la mosquée, est un point de rencontre incontournable pour la diaspora portugaise.
Sa présidente, Virginie Almeida, est née à Bayonne. Ce sont ses grands-parents qui s’y sont installés à la fin des années 60, « quand les numéros des bâtiments de la ZUP s’arrêtaient encore à 4 ou 5 ». A l’époque, l’immigration en provenance du Portugal était massive : entre 1964 et 1973, 78 000 Portugais émigraient en moyenne chaque année en France, dont plus de la moitié clandestinement. Comme le grand-père de Virginie, arrivé « par la montagne » avec des passeurs…
Les choses ont bien changé depuis, notamment à partir de l’intégration du Portugal à l’Union Européenne en 1986 car, comme le rappelle Virginie, « ici, en une nuit, on est au Portugal ». Des travailleurs portugais pouvaient désormais venir travailler sur la côte basque et rentrer chez eux. Virginie se souvient qu’ils étaient très nombreux au début des années 2000 : « les agences d’intérim de Bayonne travaillaient avec les agences d’intérim du Portugal pour faire venir des ouvriers portugais qui travaillaient presque tous dans le bâtiment ».
Objectif convivialité
Fondée en 1979, l’ADCP permet depuis plus de 40 ans à toutes ces composantes de la communauté portugaise bayonnaise de se retrouver et de maintenir leur langue, leur culture, leurs fêtes : « ce sont les anciens qui nous ont communiqué tout ça, pas des groupes venus du Portugal ». Les parents de Virginie se sont d’ailleurs rencontrés à l’association en 1980 et aujourd’hui encore, toutes les générations aiment s’y retrouver le week-end lors des bals et des repas fréquemment organisés dans la grande salle de l’association, auxquels peuvent facilement participer une centaine de personnes.
La salle ouvre aussi en semaine, de 17h à 20h en hiver. « Les gens aiment bien passer après le boulot manger des gésiers en sauce ou des beignets de morue et jouer à la soueca ». Y sont également organisés des cours de danses folkloriques, pour enfants et pour adultes auxquels assistent 35-40 personnes. Faire tourner tout ça, c’est bien sûr beaucoup de travail : en plus du bureau, 9 bénévoles s’occupent de la cuisine et de la gestion du local tout au long de la semaine.
Maintenir le lien malgré les difficultés
Si Virginie a du temps à consacrer à l’association (en plus d’être présidente, elle donne des cours de danse et « pour dépanner » quelques cours de « concertina »), c’est malheureusement parce qu’elle a dû se résigner à fermer son restaurant, la Churrasqueira Café Liz à la place des Gascons. « Après 6 ans de travail, nous avions réussi à faire de ce restaurant un endroit où des populations très différentes venaient. Mais le propriétaire nous a dit qu’il refusait de renouveler le bail, sans donner d’explications. C’est un truc de plus qui meurt à la place des Gascons et ça fait mal au cœur… ».
Avec la fermeture du Café Liz, il ne restera plus à Bayonne qu’un restaurant portugais, le Churras’carinho au Boulevard Jean d’Amou et deux épiceries portugaises (Aluai à St Esprit et le Mercado portugues au Forum). Cela renforce d’autant plus l’importance du local de l’ADCP comme point de rencontre de la communauté portugaise pour laquelle la crise du Covid a été éprouvante. « Normalement, beaucoup de nos adhérents vont au Portugal plusieurs fois par an » pour rendre visite à la famille. Ces visites ont évidemment été très perturbées ces dernières années.
On est toujours là
Comme pour toutes les associations, il faut aussi se remobiliser après les fermetures forcées et malgré les incertitudes à venir. Un des objectifs de l’association est d’obtenir une permanence du consulat au local de l’association. « Depuis que le consulat du Portugal de Bayonne a fermé, il faut monter à Bordeaux dès que l’on a des formalités administratives à faire », ce qui prend du temps et coûte cher en transport, et parfois pour rien « tous les services sont informatisés, il est impossible d’avoir quelqu’un en ligne pour avoir des renseignements ». Virginie espère que cela s’arrangera et que l’association continuera encore longtemps à faire perdurer la culture et la langue portugaises à Bayonne. « Pour le moment, on nous connaît par le bouche à oreille, mais si on parle de nous dans Alda, on touchera peut-être de nouvelles personnes et on montrera qu’on est toujours là après le Covid». Message transmis en tous cas !