Amélie a défrayé la chronique bien malgré elle il y a quelques mois. Elle si discrète ne s’attendait pas du tout à ce que son geste soit médiatisé et enflamme les réseaux sociaux. Il ne s’adressait pourtant qu’à sa conscience et sans doute aussi, à la mémoire de ses parents, dont l’exemple a guidé sa vie. Paysans à Ahetze, c’étaient des personnes bonnes et courageuses. Ils ont travaillé dur, élevé leurs 5 enfants et gardé intacte leur ferme.
Toute sa vie à Ahetze
À 81 ans, Amélie vit toujours dans le même village qui l’a vue naître et qui depuis est passé de 400 habitants à plus de 2000. Les voisins ne se connaissent plus forcément, séparés par des haies qui ne favorisent pas spécialement les relations humaines. Et la pression immobilière est à son comble dans cette commune du rétro-littoral basque. Après des décennies de construction, et surtout de mitage par de l’habitat non densifié, les prix empêchent l’accès de la population locale à la propriété, les personnes ayant un salaire moyen et les jeunes ont de plus en plus de mal à se loger.
Le déclic
Amélie habitait elle-même une maison sur un terrain de 1660 m², à 200 mètres de l’église. Puis elle a eu un déclic. L’événement déclencheur fut ce courrier d’une agence immobilière lui proposant de « valoriser » son bien. Elle peut le vendre et se faire beaucoup, beaucoup d’argent ! « Mes cheveux se sont hérissés sur ma tête. Je me suis dit : cette maison ne doit pas devenir une résidence secondaire ! » nous explique Amélie. « Je n’ai pas d’enfants et si je venais à disparaître cette maison serait revenue à mes héritiers qui auraient dû payer 60 % de droits de succession dessus. Ils auraient été contraints de la vendre. »
Sa maison transformée en 7 logements sociaux
Et Amélie a donc trouvé la solution compatible avec sa conscience, ses valeurs et l’exemple de ses parents. Elle a cédé la maison et le terrain en viager libre à HSA, l’office HLM du Pays Basque. Avec la rente que le bailleur social lui verse, et dont elle n’a même pas voulu discuter le montant, elle est devenue locataire d’un appartement… toujours à Ahetze.
HSA pourra ainsi construire 7 logements sociaux et un local médical de 150 m². Il y aura 5 logements familiaux en BRS, 2 logements sociaux en location destinés à un projet d’habitat inclusif pour 3 adultes porteurs de handicap et un jardin partagé pour les futurs résidents de ce projet dénommé Oroitzen, totalisant 725 m² de surface habitable.
Le directeur d’HSA, Lausseni Sangaré, a déclaré au quotidien Sud-Ouest que « si elle avait vendu sa maison et son terrain au prix du marché actuel, elle aurait gagné au moins quatre fois plus. »
Satisfaite
Un tel désintéressement en surprend plus d’un, et a suscité une avalanche de milesker (« merci » en basque) et de bravos sur les réseaux sociaux. Autre chose qui peut étonner, ou susciter l’admiration, c’est la jeunesse d’esprit qu’il faut avoir pour lâcher, à 81 ans, la sécurité d’une maison dont on est propriétaire, déménager, démarrer une nouvelle vie, avec de nouveaux voisins et se retrouver locataire, avec tous les risques que cela peut supposer dans le contexte actuel du Pays Basque. « C’est pas de la folie, c’est au contraire de la sagesse. Je suis satisfaite, c’est tout. » pense tout haut Amélie. Elle qui a travaillé, depuis ses 19 ans, toute la vie dans une banque, a la tête sur les épaules, et s’étonne tous les jours un peu plus du « rapport à l’argent de notre société. Le Pays Basque compris ! Est-ce que cela fait leur bonheur ? ».
Les vraies valeurs
Son expérience de bénévole dans l’association d’Ahetze « Les amis de Baboucar et du Saloum», du nom d’un village dans la région du Siné Saloum au sud du Sénégal, la conforte dans sa perception des vraies valeurs, du vrai bonheur. Les 50 membres de l’association organisent sur leur commune tel apéro tapas, vente de muguet ou repas populaire pour aider à financer la construction d’écoles, de puits voire l’achat d’un appareil à échographie, le tout équipant un ensemble de 24 villages africains (21 000 habitants). Elle s’y est rendue, à ses frais, avec 5 autres aheztars, pour visiter les villages et discuter avec leurs habitants. Ce sont des agriculteurs cultivant du riz, du mil, des noix de cajou, des mangues, etc. Accueil, simplicité, relations entre voisins, joie de vivre, ils ont « tout ce qu’on n’a pas, ou qui se perd chez nous ».
Aller jusqu’au bout
Alors, aucun regret ? « Quand je m’engage dans quelque chose, je vais jusqu’au bout. Même quand HSA m’a dit qu’il allaient démolir ma maison pour pouvoir construire leur projet, ça m’a fait bizarre, mais j’ai encaissé le coup et j’ai continué de l’avant. Je n’ai jamais douté ». Milesker Amélie !