60 personnes ont réalisé un rassemblement symbolique devant la maison natale de René Cassin, co-rédacteur de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, à l’appel d’Alda et en soutien à Charlène et Willy, deux bayonnais condamnés à une vie d’apatrides en France, du fait de l’immobilisme des pouvoirs publics. Alda organisera un nouveau rassemblement en septembre, devant le tribunal de grande instance à Bordeaux. Voici un extrait de la prise de parole de Charlène lue lors de ce rassemblement et résumant la situation incroyable et le véritable calvaire administratif dans lesquels elle et son frère sont plongés depuis plus de 15 ans. Cette situation ubuesque n’a que trop duré et doit cesser au plus vite !!! Vous aussi, soutenez la mobilisation pour Charlène et Willy !
« Je suis une citoyenne de seconde zone, ainsi que mon frère Willy.
Notre famille est de Came et de Bayonne, notre père et notre mère sont français, mais, nés au Cameroun, nous n’avons pas de papiers d’identité français. Pourtant, nous sommes français aux termes de l’article 18 du Code civil « Est français l’enfant dont l’un des parents au moins est français » et nous n’avons aucune autre nationalité.
Nous demandons une carte nationale d’identité et un passeport depuis 2007, sans résultat.
Notre père nous a officiellement reconnus en 1998 à la mairie de Bayonne, sur la base d’actes de naissance qu’il avait fait établir à distance, au Cameroun. Comme souvent dans certains documents africains, ces actes comportaient des erreurs.
Cela nous a condamnés, mon frère et moi, à errer sans fin dans un véritable labyrinthe du minotaure judiciaire, trimballés de procédures en procédures, sans jamais trouver l’issue.
En septembre 2019, après 12 ans de démarches administratives et juridictionnelles, le tribunal de grande instance de Bordeaux a enfin sollicité que des vérifications soient faites avant de délivrer un certificat de nationalité française nous concernant. Mais depuis, plus rien !
A chaque audience, le même scénario se reproduit. Le juge demande au procureur si cette vérification a été faite. Mais ni celui-ci ni le ministère des affaires étrangères n’ont ordonné au Consulat de France au Cameroun de procéder à ces vérifications. Et le juge reporte à chaque fois l’audience. La prochaine aura lieu en septembre et le même scénario désespérant risque de se reproduire.
Désespérant car il dure depuis 3 ans, et prolonge d’autant notre calvaire et notre vie de citoyens de seconde zone. Nous n’avons pas le droit de vote, ni celui de se marier ou de se pacser. Nous ne pouvons pas passer le permis de conduire, ni avoir de carte vitale ou de chéquier, pas plus que de souscrire à un opérateur de téléphonie mobile. Et nous ne pouvons pas voyager, par avion, train ou bateau ni franchir de frontière.
Mon frère et moi sommes condamnés à une vie d’apatrides dans notre propre pays, privés de la plupart de nos droits. Outre la détresse financière et sociale à laquelle cette situation nous condamne, elle est chaque jour plus angoissante et épuisante. Au fur et à mesure que nous avançons en âge, nous voyons notre vie filer sans rien pouvoir construire de stable et de durable.
Nous demandons instamment aux autorités compétentes de faire le nécessaire afin que l’audience de septembre au tribunal de grande instance de Bordeaux puisse enfin régler notre situation. Et pour que nous ayons enfin droit à une nationalité, comme le garantit l’article 15 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, co-rédigée par René Cassin, dont la maison natale est aujourd’hui le lieu de ce premier rassemblement public. »