Interrogé ce matin sur France Bleu sur l’encadrement renforcé des loyers qui va entrer en vigueur le 25 novembre, Vincent Poulou, le Président de la Fédération Nationale de l’Immobilier (FNAIM) Sud Aquitaine et gérant d’une agence immobilière à Saint-Jean-de-Luz a énoncé un certain nombre de contre-vérités. Alors que l’encadrement renforcé des loyers, qui a prouvé son intérêt dans les territoires où il est expérimenté, va permettre aux gens de se loger à des prix raisonnables au Pays Basque, on ne peut que s’interroger sur les motivations derrière ce travail de sape. Débunkage.

Faux : “Les expériences sont loin d’être concluantes”

M. Poulou affirme que “les expériences sont loin d’être concluantes” et va même jusqu’à affirmer “ça ne marche nulle part”.

Le baromètre de l’encadrement renforcé des loyers publié chaque année par la Fondation Abbé Pierre (1) apporte des données chiffrées sur l’efficacité du dispositif dans les différents territoires où il a été mis en place, en s’appuyant sur le nombre d’annonces frauduleuses publiées. Dans tous les territoires, le pourcentage des annonces au-dessus des plafonds de loyer a baissé. À l’échelle globale, elles sont passées de 32 % à 28 %. Dans certains territoires, cette chute est même très importante : à Montpellier le non-respect de l’encadrement passe de 37 % à 14 % entre 2022 et 2024, à Lille de 43 % à 32 % sur la même période.

Bordeaux, que M. Poulou prend en exemple, voit son nombre d’annonces frauduleuses passer de 37 % en 2023 à 26% en 2024. Loin d’être “ridicule” comme il dit…

 

Source : 4e baromètre de l’encadrement des loyers, Fondation Abbé Pierre

Dans son étude économétrique, l’Agence parisienne d’urbanisme Apur établit que sur la période allant du 1er juillet 2019 au 1er juillet 2023, l’encadrement des loyers a conduit à une baisse des loyers parisiens de 4,2 % par rapport à ce qu’aurait été la situation sans encadrement des loyers. Entre juillet 2022 et juin 2023, la mesure a fait économiser 1164 € sur l’année aux locataires (2).

L’encadrement renforcé des loyers a donc des effets positifs pour les locataires et, grâce à l’information et aux contrôles, est de plus en plus respecté.

Faux : “L’encadrement des loyers fait baisser le nombre de logements en location”

Fataliste, M. Poulou considère que l’encadrement des loyers va faire baisser le nombre de logements en location, en prenant l’exemple bordelais. Des chiffres que l’Observatoire des loyers de l’Agglomération bordelaise de l’Agence d’urbanisme Bordeaux Aquitaine (A’urba) conteste : non seulement il n’existe pas de données à ce jour prouvant une quelconque corrélation avec l’encadrement renforcé des loyers, mais la diminution du volume du parc locatif privé dans l’ancien, antérieure à l’entrée en vigueur de la mesure, serait due à la transformation des logements en résidences touristiques ou à l’augmentation des prix de vente.

Pour que les propriétaires ne se retrouvent pas coincés avec un emprunt trop cher à rembourser, il faut aller encore plus loin dans l’encadrement et instaurer des mesures encadrant les prix de vente du foncier et du bâti ! L’encadrement des loyers va d’ailleurs avoir un effet positif sur la flambée générale des prix puisque la perspective de loyers plus élevés facilitait jusque-là l’achat de biens aux montants plus élevés.
Pour augmenter le nombre de logements en location abordables pour la population, la solution n’est donc pas de laisser libre cours aux prix du marché, mais au contraire plus d’encadrement, notamment pour récupérer les logements transformés en meublés de tourisme à l’année ou en résidences secondaires.

Faux : “Le contrôle n’est pas faisable”

C’est la prophétie auto-réalisatrice : en disant que ça ne va pas marcher, M. Poulou cherche à dissuader les locataires d’essayer. Il laisse ainsi entendre qu’il n’y a pas de recours faisable et efficace pour les locataires, ce qui est complètement faux.

À partir du 25 novembre, tout locataire pourra vérifier si son loyer respecte le “loyer de référence majoré”. Si ce n’est pas le cas, il pourra faire la demande à son propriétaire de rectifier le montant du loyer, au moins 5 mois avant le renouvellement du bail. En cas de refus du propriétaire, des recours sont possibles. Ce qu’oublie de mentionner M. Poulou, c’est que l’encadrement des loyers n’est pas en option. C’est la loi. Tout propriétaire qui ne la respecterait pas s’expose à une amende de 5 000 € pour une personne physique et 15 000 € pour une personne morale, et devra rembourser le trop-perçu.

Le représentant de la FNAIM semble prendre pour acquis que tous les propriétaires pourront pratiquer un complément de loyer car ils ne sont pas encadrés… Il se contredit d’ailleurs par la suite en justifiant d’accorder le pouvoir de contrôle aux “tiers de confiance” (dont les agents immobiliers) par le fait que…certains compléments de loyer ne sont pas conformes. Alors, il faut savoir, encadrés ou pas encadrés ? Un complément de loyer doit être justifié par des caractéristiques exceptionnelles et la loi pour le pouvoir d’achat du 16 août 2022 a restreint les conditions d’application d’un complément de loyer.

L’encadrement des loyers n’est pas une option

Les contre-vérités assénées par M. Poulou, qui tournent au travail de sape pour tenter de délégitimer une mesure avant même qu’elle n’entre en vigueur, ne peuvent que laisser planer des suspicions sur les intentions réelles de la FNAIM quand elle demande aux autorités un pouvoir de contrôle de l’encadrement renforcé des loyers. Passer par la menace à peine déguisée en disant que les locataires qui oseraient mener des actions risquent d’avoir des représailles de leur propriétaire au moment du renouvellement du bail, ça n’est pas ce que nous appelons protéger l’intérêt des locataires.

Sans avoir besoin d’une autorisation spéciale, les agences ont un rôle à jouer pour le succès de l’encadrement renforcé des loyers : en obligeant les propriétaires à publier des annonces conformes à la loi, en déconseillant les compléments de loyer abusifs, etc.

Alda rappelle à tous les locataires qu’elle a mis en place une cellule spéciale pour les accompagner dans les démarches et qu’ils peuvent la contacter : info@alda.eus / 07 77 88 89 23. L’association espère que les autorités étudieront avec prudence les demandes de la FNAIM et invite tous les propriétaires à se mettre en conformité avec la loi !