Le 18 décembre 2023, le tribunal de Bayonne a rendu une décision étonnante dans une procédure de congé pour vente délivrée par une propriétaire résidant à Nouméa à son locataire de Biarritz, Fabrice Dupont, âgé de 60 ans et invalide depuis qu’il a été victime d’un AVC. Fabrice loue un studio depuis le 31 mars 2005 et a toujours payé son loyer et bien entretenu ce logement. Bref, il a largement contribué à le financer et à enrichir ainsi le patrimoine de sa propriétaire. Celle-ci a aujourd’hui décidé de le vendre, rien ne l’en empêche. Mais pourquoi ne le fait-elle pas en gardant M. Dupont dedans ? Rien ne l’en empêche non plus. Seule la volonté de réaliser une plus value plus importante explique la délivrance de ce congé pour vente. Car elle vendra son studio plus cher s’il est vide que s’il est occupé, et pour cela elle n’hésite pas à mettre à la rue une personne invalide de 60 ans.
Pris au piège
Avec sa pension d’invalidité, M. Dupont n’a pratiquement aucune chance de retrouver un logement dans le parc locatif privé. Locataire sans problème depuis 20 ans, il n’a déposé une demande de logement social que lorsqu’il a reçu son congé pour vente. Depuis, il n’a eu aucune proposition de relogement dans le parc social. Son seul espoir est donc de déposer un recours DALO. Mais en Pays Basque, il faut avoir 3 ans d’ancienneté comme demandeur de logement social pour pouvoir faire un tel recours, contrairement au reste du département où il suffit d’un an. Bref, M. Dupont n’a aucune solution et est pris au piège d’une situation dans laquelle il n’a aucune responsabilité personnelle. Il est victime de la crise du logement qui frappe le Pays Basque. Par contre, sa propriétaire qui l’expulse pour faire une plus value plus importante contribue elle à cette crise. Son logement deviendra sans doute une résidence secondaire comme le sont désormais les 2/3 des appartements de l’immeuble où vit M. Dupont.
Étonnement et émotion
On aurait pu s’attendre à ce que le Tribunal de Bayonne tienne compte de ces éléments. Il n’en a rien été : le tribunal a ordonné l’expulsion de M. Dupont en ne lui accordant que 4 mois de délai, jusqu’au 11 avril 2024, alors qu’il pouvait lui en donner 12 selon la loi. Le recours DALO n’est dans le cas de M. Dupont possible qu’à compter de la décision d’expulsion prononcée par le Tribunal, et les pouvoirs publics ont 3 mois pour l’examiner, puis 6 mois pour proposer une solution de relogement à M. Dupont. Une telle décision affectant une personne de 60 ans, invalide et à faibles revenus, ne manque pas de susciter l’étonnement, voire l’émotion. Mais cela ne s’arrête pas là.
La victime déclarée responsable
La décision précise qu’il « ne serait pas équitable de faire peser sur Madame (nom de la propriétaire) les frais irrépétibles et non compris dans les dépenses engagées dans la présente procédure par conséquent, il convient de condamner M. Dupont à verser à la demanderesse la somme de 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ». Bref, une personne vivant avec moins de 1000 euros par mois se retrouve condamnée à en payer 500 à la personne qui le vire de son logement dans le but de gagner dix ou vingt mille euros supplémentaires avec la vente qu’elle réalise, et qui va lui en rapporter au total 170 000 ! Au nom de l’équité, le locataire doit participer aux frais de procédure engagés pour le déloger d’un appartement qui aurait tout à fait pu être vendu avec lui dedans. La victime est déclarée responsable du fléau aveugle et sans pitié qui la frappe !
La population du Pays Basque, et particulièrement l’ensemble des locataires du parc privé qui vivent tous avec la même épée de Damoclès sur la tête que celle qui vient de tomber sur M. Dupont, ressentent très durement de telles décisions. Un goût amer de monde à l’envers. Jusqu’à quand ?
Soirée de soutien à Fabrice
Alda organise une soirée de soutien dont les bénéfices seront reversés à Fabrice pour l’aider à passer cette épreuve difficile et faire face aux frais de justice. L’argent récolté servira également à financer les frais de la campagne menée par les familles et personnes victimes de congés locatifs pour mieux encadrer ces congés. Venez nombreuses et nombreux, et merci de faire passer le mot.
Fête de soutien samedi 24 février à partir de 18H00 au local Espaiska, 4 rue Pannecau à Bayonne. Musiciens et apéro-pintxo : n’hésitez pas à amener des omelettes, quiches, pizzas et tout type de pintxo.