Ce jeudi 1er février 2024 à 10H00, devant la sous-préfecture de Bayonne, une soixantaine de militants d’Alda ont célébré à leur manière les 70 ans de l’Appel de l’Abbé Pierre en mettant en scène la prolifération des congés locatifs en Pays Basque. Parmi eux, de nombreuses personnes elles-mêmes victimes de ces congés. L’association de défense des locataires a déposé une demande de rendez-vous avec le Préfet des Pyrénées-Atlantiques pour évoquer ce problème et présenter ses propositions pour mieux l’encadrer.
Une épée accrochée aux grilles de la sous-préfecture plane sur la tête de chacune des 27 personnes qui se succèdent. Toutes tiennent un panneau sur lequel est écrit un seul mot, différent chaque fois. Lus de bout en bout, ils composent une phrase : “Mes amis, au secours… Une femme vient de mourir gelée, cette nuit à trois heures (…) serrant sur elle le papier par lequel, avant hier, on l’avait expulsée…”
C’est la première du fameux Appel de l’Abbé Pierre, prononcé le 1er février 1954, dans lequel il s’indignait du décès d’une femme dans la rue, suite à l’expulsion de son logement. L’Appel intégral est diffusé sur la sono des militants d’Alda. “70 ans après, les congés locatifs continuent de multiplier les drames humains” alerte Xebax Christy, co-président d’Alda.
La mise en scène de l’association évoque la véritable épée de Damoclès que constituent désormais les congés pour vente ou pour reprise sur de la tête de chaque locataire du parc privé du Pays Basque, et de sa famille. Alda avait déjà révélé des chiffres accablants : selon les services du ministère de la Justice, en 2019, dernière année pour laquelle les statistiques sont disponibles, il y a eu plus de procédures pour congé au Tribunal de Bayonne qu’à Marseille, Lyon, Toulouse, Nice et Nantes réunis ! “Chaque jour, des personnes aisées ou de riches multipropriétaires délogent des locataires du Pays Basque pour faire de leur appartement ou de leur maison un investissement financier, ou un pied-à-terre vide la plupart de l’année. Le Pays Basque n’est pas à vendre. Nous ne voulons pas qu’il soit vidé de sa jeunesse, de ses classes populaires et moyennes, ni qu’il devienne une cité balnéaire pour riches propriétaires.” affirme Xebax Christy.
Une décision qui suscite étonnement et émotion
Parmi les personnes présentes, plusieurs locataires eux-mêmes victimes d’un congé locatif, dont Fabrice Dupont, qui a été l’objet d’une décision d’expulsion le 18 décembre dernier au tribunal de Bayonne. Avec un revenu mensuel de 1000 euros, M. Dupont loue un studio depuis 2005 à Biarritz. Il a toujours payé son loyer et bien entretenu son logement. De ce fait, il a donc largement contribué à le financer et enrichir le patrimoine de sa propriétaire qui vit en Nouvelle-Calédonie. Aujourd’hui, cette dernière a décidé de vendre ce studio. “Pourquoi ne le fait-elle pas en gardant son locataire dedans ?” se demandent les militants d’Alda. Une seule raison à cela : réaliser une plus value plus importante. La propriétaire de M. Dupont vendra son studio plus cher s’il est vide que s’il est occupé, et pour cela, elle n’hésite pas à le mettre à la rue. “Fabrice Dupont est une de ces innombrables victimes de la crise du logement qui frappe le Pays Basque, et sa propriétaire, qui l’expulse pour faire une plus value plus importante, contribue à cette crise. Son logement deviendra sans doute une résidence secondaire, comme le sont désormais les 2/3 des appartements de l’immeuble où vit Fabrice” s’indigne Ainize Butron, co-présidente d’Alda. Mais cela ne s’arrête pas là.
Bien qu’il ne gagne que 1000 euros par mois, au nom de l’équité, Fabrice Dupont a été condamné à payer les dépens et frais d’huissier, soit 870 euros, pour participer aux frais de procédure engagés pour le déloger d’un appartement qui aurait pu être vendu avec lui dedans ! La victime a donc été déclarée coupable. “L’épée de Damoclès qui plane au-dessus de la tête de chacun des locataires du parc privé au Pays Basque, vient de tomber sur celle de Fabrice. À qui le tour demain ?” interpelle Ainize Butron.
Demande de rendez-vous avec le Préfet
Le Pays Basque est aux premières loges d’un véritable fléau qui touche les locataires du parc privé. C’est pourquoi, en cette journée symbolique des 70 ans de l’appel de l’Abbé Pierre, Alda a tenu à interpeller les pouvoirs publics sur l’urgence de mieux encadrer ces congés locatifs, et stopper leur prolifération. L’association a remis une demande de rendez-vous auprès du Préfet des Pyrénées-Atlantiques pour faire le point sur cette situation critique et évoquer ses 9 propositions d’encadrement et de régulation des congés locatifs. Alda souhaite faire remonter au plus haut niveau l’émotion et la profonde préoccupation ressentie devant le sort des locataires du Pays Basque, tels que Fabrice Dupont et toutes celles et ceux également présents ce 1er février devant la sous-préfecture de Bayonne.
Nous voulons pouvoir vivre et nous loger au Pays !
Droit au logement pour toutes et tous !